Moussey, l’exception régionale

 

En maintenant une équipe à un niveau régional depuis plus de 30 ans dans un village de 400 habitants, le CSM Moussey est un cas unique en Champagne-Ardenne. Avec un fort potentiel de licenciés, le club doit faire avec des infrastructures insuffisantes.

Moussey, petite commune de 400 habitants, à une dizaine de kilomètres au sud de Troyes. Son église, son cidre et le parc logistique de l’Aube qui s’y implante font la petite renommée de cette commune dans le département. En réalité, le village est connu au-delà des frontières du département, dans toute la Champagne-Ardenne, par les passionnés de tennis de table.

 

 

 

 

CSM Moussey

 

 

Depuis près d’un demi-siècle, le petit village est représenté au niveau régional, aux côtés des gros clubs tels le Tos-Noës, l’Olympique Rémois, ou le CO Châlons. « On se comporte comme le RS 10, comme un gros club, comme une grosse ville », sourit Jean-Claude Morot, qui évolue à Moussey depuis plus de 20 ans. Et c’est ainsi depuis bientôt 50 ans.

Le tennis de table a vu le jour a Moussey grâce à l’Abbé Fauconnet. En 1958, il créé la section tennis de table des Compagnons Saint-Martin (CSM), une association déjà existante, qui proposait notamment du théâtre. Le club est alors affilié à la Fédération Française de Tennis de Table, et les premières licences sont délivrées. Daniel Toussenel est le premier président de ce toute nouvelle association.

L’activité n’a pas de mal à démarrer. Visiblement, le village possède plusieurs talents. Les premiers résultats arrivent lors de la saison 1960-1961. Jean-Marie Thoyer et Serge Degois deviennent champions de l’Aube. La saison suivante, Claude Garnier, Anne-Marie et Marie-Jacqueline Thoyer deviennent, à leur tour, champions de l’Aube dans les catégories jeunes. Le premier titre régional est remporté en 1963 par les Thoyer, Weber et Sanchez. Le club continue à briller. Claude Garnier devient champion de l’Aube toutes catégories lors de la saison 1970-1071, et le club accède à la Régionale 2 en 1974-1975. Quatre ans plus tard, il accède à la Régionale 1, son meilleur niveau.

 

 

Des problèmes d’infrastructures

Depuis, la donne n’a pas beaucoup changé. Le club compte toujours une vingtaine de licenciés, et est stabilisé en Régionale 3. Les problèmes rencontrés ne sont pas du domaine sportif. Les infrastructures ont toujours été le premier soucis des membres du bureau. En effet, suite à l’incendie de Feyzin, près de Lyon en 1966, le gouvernement a ordonné la fermeture de toutes les salles qui n’étaient pas aux normes. Les joueurs du CSM ont donc été contraints d’aller pratiquer leur discipline à la salle Chamarande, à Buchères. Quelques années après, le club revient à Moussey. Les joueurs s’entraînent dans une petite salle de l’école et disputent les matches régionaux à la salle Silvério de Saint-Julien-les-Villas.

Au début des années 1980, la salle paroissiale, aux normes, peut enfin accueillir le CSM Moussey, qui continue par ailleurs à utiliser la petite école. Les choses se compliquent au début des années 2000. La désertification des villes pour les campagnes n’arrange en rien les affaires du tennis de table. Le groupe scolaire Saint-Léger Moussey se voit dans l’obligation d’ouvrir une classe et donc d’occuper la « petite école ». Depuis 2001, le CSM n’a plus que la salle paroissiale pour s’entraîner et disputer les compétitions. « Les dimensions de la salle sont telles qu’on ne devrait mettre qu’une seule table. Mais on n’a pas le choix, on doit jouer avec deux tables lors des compétitions », remarque le président du club, Jean-Loup Thoyer. Et d’ajouter : « Il y a beaucoup de potentiel avec de jeunes joueurs, mais pas de structures pour les accueillir. Lorsque la petite école nous a été fermée, j’ai été obligé de restreindre le nombre de joueurs. »

Depuis trois ans, le club compte environ 25 licenciés, alors qu’il y en avait plus du double auparavant. La grande majorité d’entre eux habite ou est originaire de Moussey. Quelques uns viennent des communes alentour.

 

Un potentiel d’une centaine de licenciés

L’autre problème majeur du club concerne les entraînements. L’association n’a effectivement pas les moyens de recruter un enseignant. Alors, à Moussey, on se débrouille comme on peut. « Ca se limite à quelques responsables, reprend le président. Il n’est pas facile de trouver du monde, car lorsqu’on est dans le milieu professionnel, on manque logiquement de disponibilités. » Les meilleurs joueurs se partagent donc les entraînements des plus jeunes. Les ados – qui ont repeint la salle pendant les vacances de Pâques – se prennent en main.

« Quand on dit que Moussey ne compte que 400 habitants, les gens n’en reviennent pas. Ils sont étonnés de savoir 25 licenciés dans une si petite salle. Ils se demandent comment on fait, raconte Jean-Loup Thoyer. Si on y arrive, c’est grâce à la bonne organisation des entraînements. Mais aussi grâce au noyau de quelques anciens. » « Maintenir une équipe à un niveau régional aussi longtemps, pour un petit village, c’est un cas unique en Champagne-Ardenne », ajoute, de son côté, Jean-Claude Morot, ancien président. « Quand il y a de bons joueurs, ça aspire les plus jeunes, reprend Jean-Loup Thoyer. Ils veulent jouer à ce niveau-là. Il y en a toujours qui sortent au-dessus du lot et arrivent à monter en Régionale. C’est le cas de Vincent Thiery, qui est devenu un pilier de l’équipe. »

 

Un club convivial

Avant lui, il y a eu Laurent Lecardonnel ou Nicolas Degois. Ce dernier figure aujourd’hui sur la liste des sportifs de haut niveau que compte le département de l’Aube. Il habite Moussey et a logiquement débuté le tennis de table au CSM. « Il a eu un entraînement spécifique de son père. Equipes jeunes, départementale, régionale… Sa progression a été fulgurante. » Nicolas Degois a remporté plusieurs titres de champion de l’Aube. Il a également été champion de Champagne et a participé à trois reprises aux championnats de France. « Nicolas a souhaité partir en sports-études à Nancy. La structure exigeait qu’il joue à haut niveau, en Régionale 1, ce que Moussey ne pouvait lui offrir. Il est donc parti au Tos-Noës il y a deux ans et évolue actuellement en Nationale 3. »

Son père joue lui toujours en Régionale 3 avec Moussey, qui souhaitera, cette saison encore, se maintenir à ce niveau. Les autres équipes sont  en Pré Régionale, en Départementale 3 et en championnat jeunes. Le président ne leur a pas donné d’objectif précis. « Le but, c’est qu’ils progressent, qu’ils s’éclatent. » Car depuis un demi-siècle, la politique est restée la même au CSM Moussey : « s’amuser. Nous sommes un club familial, il y a une bonne ambiance. » Et le président de conclure : « comme dirait Pierre de Coubertin, l’essentiel est de participer. »

 

LES EQUIPES

Jeunes : Kévin Villiers, Dylan Piclin, Dylan Caterino, Joris Wonorovycz, Jérémy Wonorovycz, Yohan Lesoile.

Départementale 2 : Bruno Lacroix, Hervé Ragon, Alexis Villecourt, Jean-Loup Thoyer, Pierre Paté, Donatien Noble.

Pré Régionale 2 : Christophe Barroy, Laurent Hertzog, Frédéric Martens, Hugo Farine, Florent Lamy. Remplaçant :Jean-Claude Morot.

Régionale 3 : François Thoyer, Christophe Leblanc, Eric Estévès, Michel Degois, Vincent Thiery, Gaëtan Morillot, Aurélien Villecourt.

LE BUREAU

Président : Jean-Loup Thoyer

Trésorier : Eric Estévès

Secrétaire : François Thoyer

 

LES FIGURES DU CLUB

Vincent Thiery, joueur de Régionale 3

Comme de nombreux garçons, Vincent Thiery, 19 ans, a commencé à pratiquer le football, à Foot Jeunes 2000, le club qui réunit plusieurs communes, dont la sienne, Saint-Léger près Troyes. Des problèmes à la cheville l’ont contraint à arrêter cette discipline. Au collège, Vincent se tourne donc vers le tennis de table. « J’ai joué durant mes quatre années de collège en UNSS. » Le jeune homme se lance ensuite entraîné par des amis, qui pratiquaient eux le tennis de table en club, au CSM Moussey. A 15 ans, il signe sa première licence à Moussey. « J’y ai retrouvé mes copains. Et puis, ce n’est pas très loin de chez moi », raconte t-il pour expliquer son choix de s’orienter vers une petite association. Et d’ajouter : « C’est convivial. Il n’y a pas de pression de résultat, on joue pour le plaisir. Ce qui me plaît au tennis de table, c’est que ce soit un sport individuel qui se joue en équipe. On joue individuellement, pour faire gagner le collectif. » Vincent Thiery a rapidement trouvé ses marques dans le club. En effet, après deux saisons en Pré-régional, il a intégré la Régionale 3. Classé 40, il est logiquement devenu un pilier de l’équipe.

Jean-Loup Thoyer, président

Jean-Loup Thoyer est aujourd’hui l’un des plus anciens du CSM Moussey. « J’ai commencé le tennis de table en 1965, avec mon frère François. Daniel Villecourt, qui s’occupait du club à l’époque, est venu nous chercher. Un jour, il a toqué à la maison et nous a demandé si on voulait jouer au tennis de table. Il cherchait des joueurs pour former une équipe "jeunes", ce qui permettait au club de rester en Régionale » se rappelle-t-il. Si à l’époque les deux frères jouaient surtout pour le plaisir, ils sont toujours restés fidèles au club. Il faut dire que les Thoyer sont une famille de pongistes. Elisabeth, la sœur de Jean-Loup et François a également joué un temps. Leur cousin, Jean-Marie a été champion de l’Aube minimes. Après de nombreuses saisons en Régionale, Jean-Loup Thoyer est devenu remplaçant, « pour laisser jouer les jeunes, et pour avoir un peu plus de disponibilités. » il est en effet le président de l’association depuis huit ans.

Jean-Claude Morot, remplaçant

Comme Jean-Loup Thoyer, Jean-Claude Morot est aujourd’hui remplaçant. Et comme Jean-Loup Thoyer, Jean-Claude Morot est une figure emblématique du club, comme actif et comme président, de 1987 à 1994. Ce n’est pourtant pas à Moussey qu’il a pris pour la première fois une raquette. « C’est un collègue de travail qui m’a fait découvrir le tennis de table. J’ai fait les premières armes en corpo, au RCCT en 1964. » Par la suite, il se voit contraint de stopper cette activité pour raison professionnelle. Il déménage plus tard à Moussey, où il fait connaissance avec les personnes du club. « On m'a demandé si je voulais venir au club. J’ai refusé, toujours pour raisons professionnelles. » Il reprendra la raquette plus tard, lorsque son fils Stéphane lui demandera d’arrêter le foot et de pratiquer le tennis de table. « J’ai repris en 1983, et je n’ai pas arrêté depuis. » Jean-Claude Morot a d’abord joué en départementale, avant d’intégrer l’équipe première et d’atteindre la Régionale 1. Aujourd’hui remplaçant, « pour laisser la place aux jeunes et également parce que mon jeu ne va pas avec l’évolution du ping-pong actuel », il est toujours prêt à défendre les couleurs du club. Jean-Claude Morot est en effet très attaché à ce maillot. « C’est une partie de ma vie », conclut-il.

Eric Estévès, trésorier, joueur en Régionale 3 :

Eric Estévès est l’un des plus jeunes joueurs de Régionale 3. Et pourtant, il pratique le tennis de table à Moussey depuis 22 ans. « J’ai débuté à 10 ans. Avant, je n’avais pas fait d’autre sport. Mes parents ont fait confiance au président de l’époque, François Thoyer, qu’ils connaissaient bien. » Le jeune mousséen a rapidement progressé. « J’ai été très soutenu dans le club. J’ai été entraîné par François Thoyer, puis par Jean-Claude Morot qui a convaincu mes parents de me laisser faire un stage régional lorsque j’étais cadet. » Il intègre alors le Top 12. L’année suivante, il remporte le titre de champion de l’Aube juniors. Après quelques saisons au niveau départemental, il rejoint l’équipe régionale. « Cela fait maintenant une bonne quinzaine d’année qu’il y a le même noyau dans cette l’équipe. Nous avons réalisé deux montées en Régionale 1 », précise t-il. Ses meilleurs souvenirs restent pourtant ses victoires aux championnats de l’Aube juniors en 1990 et en Coupe de l’Aube, avec son ami Christophe Leblanc, en 1996.

Et pourtant, la compétition n’est pas sa priorité. « Gamin, je rêvais d’être champion de France. je regardais le classement. Tout le monde aime gagner, mais on prend ça comme un loisir. On vient plus pour se retrouver ensemble. » Joueur, entraîneur un temps, trésorier actuellement, Eric Estévès n’envisage pas d’arrêter le tennis de table à Moussey. D’autant plus qu’il revient habiter dans la commune.

Noémie Leblanc

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